La route est le symbole du voyage par excellence. Pressés comme nous le sommes, nous préférons parfois prendre l’avion pour relier deux villes, histoire de « gagner du temps et en voir plus… ». Illusion ! Rien ne peut nous en apprendre davantage sur un pays qu’un trajet en voiture, sur la route habituelle d’âmes vivant en paix, loin des grandes villes toujours plus globalisées.
Les vrais souvenirs de voyages ne sont pas les photos ou notes prises pour rédiger un joli carnet, mais ce que l’on garde au plus profond de soi ! Les souvenirs d’émotions, d’instants de plénitude qui nous émeuvent bien des années plus tard. Certains pays se prêtent mieux que d’autres à la fabrique de souvenirs authentiques.
La Norvège est une merveille de la Nature ! Après des années de règne sans partage de l’Express Côtier, seul capable de relier les villes et villages isolés, la Norvège s’est lancée dans la construction d’un réseau routier d’exception. Les fjords, falaises, glaciers, chutes d’eau et autres décors tourmentés l’ont contraint à l’audace. Le pays possède ainsi l’un des plus longs tunnels du monde (24,5 km) et celui d’Eiksund, plongeant dans la région de Møre og Romsdal jusqu’à 287 m au-dessous du niveau de la mer, est la chaussée sous-marine la plus profonde.
Voyager en voiture, c’est aussi laisser de la place à l’imprévu. Il est extraordinaire de s’égarer dans un café perdu et vide, digne des années 60, où un barman vous conte pendant des heures si vous le souhaitez les histoires du coin où il est né, où il vit, en mélangeant anglais et norvégien. Ray Bradbury a écrit avec raison que « Half the fun of the travel is the esthetic of lostness…”
Il y a en Norvège comme en France des routes particulièrement conseillées. Du sud à l’extrême-nord, dix-huit itinéraires pittoresques se partagent ainsi le label Routes Touristiques Nationales (RTN). Entre fjords et montagnes, la Norvège telle qu’on l’imagine défile le long de l’Hardanger (158 km). Longue de 36 km, l’Atlanterhavsvegen – la route de l’Atlantique – est une enfilade de digues et de huit ponts, ondulant tels des montagnes russes entre les îlots et récifs de l’embouchure d’un fjord. Considérée par certains comme la plus belle route du monde, elle fut élue « ouvrage norvégien de génie civil du siècle » en 2005.
En Norvège, il y a aussi des ferries ! Voilà une belle occasion de se dégourdir les jambes en dégustant un café ou une glace à la morue (si, si ça existe !), au milieu de « Vikings » peu causants, d’enfants blondinets, de femmes aux yeux bleus comme les fjords et d’ados… aves écouteurs, tous habillés en Helly Hansen. Il faut emprunter six ferries pour suivre de bout en bout les 433 km de la plus longue des RTN, l’Helgelandskysten. Franchissant le cercle polaire, elle longe le plus fort courant de marée du monde et l’exceptionnelle montagne de Torghatten.
La route des Lofoten (230 km) donne accès à des sites exceptionnels. Tout le monde connaît aujourd’hui cet archipel ! Si vous souhaitez vous y rendre en été, je vous conseille vivement de réserver bien avant le mois d’avril. Les hébergements en petit hôtel et rorbu (maison de pécheurs) sont vite complets, les Norvégiens n’ayant pas encore eu l’idée atrocement lumineuse de multiplier les stations balnéaires aux Lofoten.
Voyager en voiture, seul maître de son temps, est parfois l’occasion d’expériences mémorables… C’était en décembre… A la recherche de notre hôtel à Svolvaer, nous tournions en voiture vers 19H00, la nuit polaire recouvrant déjà les Lofoten comme un manteau d’hiver impénétrable. Les flocons de neige ne nous permettaient pas de voir grand-chose et il n’y avait personne dehors. A travers de grandes baies vitrées souvent dépourvues de rideaux, nous devinions les villageois au chaud dans leurs maisons colorées. Nous nous sommes arrêtés devant un établissement a priori ouvert pour demander notre chemin. Distinguant de vieux objets dans une pièce mal éclairée, j’ai pensé au début que le bonhomme était un brocanteur, peu causant et un peu rustre. J’ai bientôt compris qu’un passionné de la Seconde Guerre mondiale nous accueillait dans son musée privé et… très particulier. Quand la plupart exposent par exemple de la mécanique, des documents ou témoignages atroces, celui-ci rassemblait des objets témoins du Troisième Reich. Après une première réaction de rejet, ma formation de sociologue prit le dessus : « impartialité et objectivité ». Je découvre des dessins d’Adolf Hitler dans le style Disney, des boules de Noël avec le visage d’Eva Braun ou le svastika… Et bien d’autres objets troublants dans leur évocation d’une époque abominable vécue par l’Humanité mais cette fois de l’autre côté… La bonne question à se poser, encore plus maintenant, c’est comment ce glissement idéologique a pu être possible et comment les gens fêtaient Noël en préservant l’apparence de la normalité ou alors en étaient persuadés.
Plus au nord, l’Havoysund (67 km) est la route la plus septentrionale de Norvège. Elle dessert un petit village de pêcheurs sur la mer de Barents, à une heure du Cap Nord par bateau rapide…
Pour mettre ces itinéraires plus encore en valeur, l’administration a confié à des architectes et designers la réalisation de 250 ouvrages hors du commun. Ces aires de repos et de pique-nique, points de vue superbes, toilettes, installations pour les déchets, abris sûrs contre les éléments et parkings sont audacieux, innovants, uniques, avec des besoins de maintenance minimaux. La fin de ce projet lancé en 1994 est prévue en 2023. Ses concepteurs veulent transmettre la culture et l’histoire nationales, en encourageant le tourisme dans les endroits les plus reculés.
A lire :
MEURSAULT Raphaël, « On s’arrête à la prochaine œuvre d’art ? », We Demain, n°17, mars 2017, pp. 124-131
Par Sébastien & Julia
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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