Il y a des voyages qui ne s’oublient pas, des trajets qui laissent des traces. Pour ses paysages, son Histoire et sa situation géographique, le train qui relie la petite ville portuaire de Narvik en Norvège à la ville minière de Kiruna en Suède en fait sûrement partie. Portrait d’un chemin de fer pas comme les autres.
Petite histoire de la ligne
Il ne s’agit pas d’une ligne mais de deux lignes pour être précis. Narvik est le terminus de la ligne d’Ofot, qui la relie jusqu’à Riksgränsen, à la frontière suédoise. Une fois arrivée à Riksgränsen, c’est le début de la ligne Malmbana, qui relie Riksgränsen à Boden, près de Luleå.
Cette ligne a été créée avant tout pour transporter le minerai de fer de la mine de Kiruna historiquement exploitée par la firme LKAB depuis 1895 de Kiruna à Narvik. C’est encore actuellement la plus grande mine de fer au monde, on en exploite plus de 27 millions de tonnes chaque année. Avant cela, il existait seulement une ligne à partir de 1888 reliant Malmberget (à Gällivare, une autre exploitation minière) à Luleå, sur la côte est suédoise donnant sur le golfe de Botnie. Il fallait donc relier d’un côté Kiruna à Malmberget et de l’autre jusqu’à Narvik, ville portuaire norvégienne ayant les immenses atouts de donner sur l’Atlantique et d’être libre des glaces toute l’année contrairement à Luleå. Narvik apparaît donc comme le choix idéal pour pouvoir exporter le fer de Kiruna. Seule difficulté, il faut traverser les montagnes qui séparent les deux pays. Ce qui inclut beaucoup de dénivelé mais aussi des virages serrés, des tunnels à creuser, des ponts à construire, des lieux difficiles d’accès et isolés, mais aussi des paysages à couper le souffle. Le chemin de fer atteint Kiruna en 1900 et permet la création de la ville, Narvik est atteint en 1903. Il aura fallu 3 ans aux 4000 ouvriers pour réussir ce véritable exploit technique.
C’est simplement l’un des rares chemins de fer à transporter des gens et de la marchandise au-delà du cercle polaire, avec la ligne Kirov en Russie, qui relie Saint-Pétersbourg à Murmansk, l’Inlandsbanan, une autre ligne suédoise qui relie Kristinehamn dans le sud du pays à Gällivare en Laponie et le réseau ferré norvégien qui va jusqu’à la gare de Bodø dans le Nordland. Une prouesse technique qui sera répétée par les norvégiens avec la fameuse Flåmsbana dans les fjords norvégiens dont on vous a déjà parlé ici.
Des paysages à couper le souffle
Peu après le départ, le train prend très vite de l’altitude. Ce voyage donne l’impression d’être dans une attraction grandeur nature. Une attraction qui dure entre 2h40 et 3h15 (selon le train choisi), sensations fortes garanties.
Dès le début, on en prend plein la vue et quand on baisse les yeux, le fjord en contrebas ressemble à une simple rivière nous donnant mesure de la grandeur des paysages qui nous entourent. Nous voyons des montagnes aux sommets enneigées à perte de vue. Des sommets alpins, escarpés, vierges de toute trace humaine. Quand on regarde en bas, on se rend compte que plusieurs centaines de mètres nous séparent de l’Ofotfjord qui devient de plus en plus minuscule avant de disparaître.
Nous entrons alors en gare de Katterat, ou plutôt un simple quai avec une cabane en bois rouge, totalement recouverte de neige en hiver. A cette période de l’année, les passagers sont accueillis par un demi-mètre de neige, les plus habitués sortent du train en ski. Les soucis de quai mal salés sur le Transilien paraissent bien loin. Nous poursuivrons notre chemin en s’enfonçant dans les montagnes norvégiennes, ponctuées de rares stations de ski. Pas de route, ici on se déplace en quad l’été, en motoneige l’hiver.
Un passage chargé d’Histoire
C’est dans l’Ofotfjord, qui part des montagnes norvégiennes pour se jeter dans l’océan Atlantique à Narvik, qu’eut lieu la bataille de Narvik entre le 10 et 13 avril 1940 entre la British Royal Navy et la marine Nazi. Compte tenu de l’activité minière à Kiruna et de son exportation à partir de Narvik, les deux parties avaient des intérêts à contrôler la production de fer et son exportation. C’est en mars 1940 qu’Hitler décida d’envahir la Norvège et surtout ses principaux ports dont Narvik, à l’aide de destroyers. Arrivés le 9 avril l’Ofotfjord, les allemands se font accueillir par les anglais, qui gagnent la bataille et coulent 8 destroyers allemands dont le Georg Thiele. On peut encore voir les traces de cette bataille dans le fjord, ce qui ne fait qu’accentuer l’aspect dramatique des paysages qui défilent devant nos yeux.
Nous continuons notre itinéraire à travers les montagnes quand soudain, nous arrivons à Riksgränsen, la frontière suédoise, qui est aussi une station de sport d’hiver aussi prisée par les Suédois que reculée. Au fur et à mesure de notre avancée, le relief s’aplanie, les sommets deviennent plus doux, des troupes entières de bouleaux nains peuplent les vallées, on peut deviner quelques lacs gelés, nous sommes désormais dans les montagnes de la Laponie suédoise et nous arrivons à Abisko, l’un des plus beaux parcs nationaux de Suède.
La ligne passe notamment par la chaîne de montagnes de Björkliden et plus loin passe devant Lapporten, célèbre vallée reconnaissable à sa forme en U, porte symbolique de la Laponie, au sud-est d’Abisko. Difficile de s’en rendre compte, mais nous sommes alors à près de 1000 mètres d’altitude. Les paysages s’aplanissent un peu plus, les montagnes laissent place aux bas plateaux et aux vallées. Les lacs se multiplient, la forêt de bouleaux se densifie. Toujours pas de trace de civilisation à l’horizon à part la route qui suit le chemin de fer et quelques stations de ski isolées. Pourtant, nous approchons de la ville la plus au nord de la Suède, Kiruna. Nous sommes alors à environ 500 mètres d’altitude. Kiruna est en ce moment sans gare, plutôt ironique pour une ville qui s’est construite grâce à son chemin de fer. Pour cause, l’activité minière menace le sol de la ville de s’effondrer, la ville est donc en train de déménager et la gare a fermé en 2013. En attendant la nouvelle gare, le train s’arrête à un arrêt provisoire et des navettes gratuites emmène les passagers au centre-ville.
Il est également possible de faire ce trajet en voiture par la route E10. Il s’agit de la seule route des environs. Si vous voulez vous aventurer hors de cette route ce sera uniquement par quad ou motoneige en hiver, ou en hélicoptère. Inutile de préciser que la nature y est très sauvage. Pour les plus curieux, un documentaire sur cette ligne ferroviaire a été réalisé par ARTE et est disponible sur Youtube. Et pour ceux qui sont encore plus curieux, il est temps d’explorer l’un de nos voyages qui emprunte cette ligne mythique Express Côtier, fait visiter l’Hôtel de glace et admirer les aurores boréales. Un voyage à étudier !
Texte Laurent Moulinat, Photo de couverture Damien Valade
Nord Espaces
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