On connaissait la Villa Médicis qui abrite l’Académie de France à Rome et son principe : des artistes y séjournent dans un environnement d’exception, pour développer leurs œuvres et approfondir leurs techniques… Qui est ce grand amoureux de la mer, de l’Arctique, des Arts, animé d’une curiosité positive pour l’au-delà de notre horizon quotidien et d’une profonde empathie pour les autres, qui a choisi de mettre son bateau, le Manguier, au service d’un projet du même ordre, mais plus exigeant encore, plus extrême et aussi probablement plus humain encore…
Philippe Hercher a proposé à 8 artistes très différents par leurs approches et leurs sensibilités et à un scientifique de vivre une expérience hors du commun : se laisser emprisonner pendant 3 mois par les glaces au Groenland, en plein hiver boréal. Là, dans le silence et la nuit polaire, environnés par la beauté des glaces, à travers des rencontres avec le peuple inuit à la sensibilité humaine et artistique toute particulière, ils ont pris le temps de développer leurs créativités et leurs œuvres, tenant compte des bouleversements du monde… ici au Groenland, le premier témoin d’un changement fondamental qui touche notre planète, celui du climat. L’équipe du Manguier aime rappeler cette phrase de Dostoïevski : « l’art sauvera le Monde ». C’est de là qu’est né le projet « Artistes en Arctique ». Le 3 avril dernier, toute l’équipe, marins, accompagnateurs, artistes, scientifiques a repris contact avec notre quotidien.
Les initiateurs du projet, mais aussi bien évidemment tous les participants ont voulu prouver que l’être humain peut faire un choix de vie différent de celui qui nous est proposé par la surconsommation, la surexploitation des ressources de la Terre, tout en s’adaptant à des conditions radicalement différentes de celles dont nous avons l’habitude, sans renoncer à ses capacités créatrices, au respect de l’environnement ou d’une culture différente.
Le choix du Groenland (Kalaallit Nunaat en langue inuit), semble s’être imposé naturellement : un pays en pleine transformation écologique, politique, sociale, culturelle. Le pays où la finance mondiale guette de possibilités d’exploitation et d’extraction et côtoie la société et les pratiques de vie millénaires inuit qui subissent une évolution rapide.
Pour réaliser ce projet, une association a été créée. Voici comment elle se décrit :
« Le Manguier, c’est aussi, et peut-être avant tout, un état d’esprit : celui de la curiosité, de l’échange, du partage, de la découverte et de l’enthousiasme. Embarquer sur le Manguier, c’est ouvrir son esprit, le mettre en éveil, être en état d’observation, faire appel à ses perceptions, ses intuitions. Être attentif au monde et à ceux qui le peuplent. Être imaginatif et créatif. Être humain dans le bon sens du terme !!! Plus d’une centaine de personnes ont navigué sur le Manguier depuis sa réfection : des élèves de Bastia, de Douarnenez ou de Dillingham, des pêcheurs de Tunisie, d’Irlande, d’Alaska ou du Canada, des artistes, des scientifiques, des pèlerins orthodoxes, des équipiers partenaires devenus presque tous des amis, ou de simples curieux… Ces rencontres ont donné naissance, à l’association à but non lucratif Les amis du Manguier, qui gère le projet Artistes en Arctique. »
Le projet hivernal 2018 s’est aussi attaché à valoriser les échanges avec les groenlandais. Les « artistes », pris par les glaces sur la côte ouest du Groenland (au sud d’un village inuit de 85 habitants (Akinaaq) posé sur une petite île face à Qeqertarsuaq), devaient rejoindre Aasiaat et ses 3.100 habitants à 25 km pour certains services. L’idée était de proposer une immersion complète dans l’environnement boréal hivernal, de détacher les artistes au maximum de leur quotidien, et de les approcher d’une autre réalité, celle des groenlandais d’aujourd’hui pour échanger, créer, partager et interagir avec une population au règles bien différentes des nôtres, pour s’enrichir mutuellement.
Ces noms, Qeqertarsuaq, Aasiaat, Nord Espaces les connait bien : c’est là que Julien Blanc-Gras et Gildas Flahault ont effectué leur périple maritime raconté dans deux livres distincts parus aux Editions Paulsen. Et c’est à la Maison du Danemark de la Cité Universitaire de Paris qu’ils ont donné une conférence pour les voyageurs – qui pourront découvriront ces endroits lors du voyage proposé par Nord Espaces.
Pour l’édition 2018 d’Artiste en Arctique, autour de Philippe Hercher, capitaine du Manguier, de Louis Adam (le second) d’Olivier Pasteur et Cécile Ferrus, les 8 artistes réunis ont participé à de nombreux échanges culturels (sculpture sur neige, concerts, ateliers, expositions, …), chacun avec sa sensibilité : Deborah Davis, graveuse, Rémi Mazet, cinéaste, Cora Laba, chanteuse auteure-compositrice, Aurélie Mertenat cinéaste et productrice, Théo Giacometti, photographe et écrivain, Fleur Daugey, écrivaine journaliste et éthologue, Ann-Isabelle Guyomard, artiste plasticienne (et docteur en droit de l’Antarctique), Férial, photographe ont travaillé avec Arnaud Rey, chercheur en psychologie au CNRS et spécialiste du langage.
Aller à la rencontre de « l’autre » est un élément important dans un voyage pour le vivre pleinement. Cela peut se faire à travers l’art afin de comprendre une culture, ou par l’échange quotidien. Natacha et Julia, bloquées par la tempête au Groenland, ont partager dans un autre article leur expérience et des liens privilégiés noués avec la population locale. Lorsque des enfants inuits se saisissent de votre appareil photo et se transforment en reporter cela peut donner de grands moments d’émotion.
Deborah Davis a été la seule canadienne à bord du Manguier (sa candidature a été retenue parmi 200 autres. A son retour, le 18 avril, elle a partagé son regard sur cette expérience hors du commun et sur le retour à sa vie antérieure. Plusieurs semaines sans eau courante (on marche sur la banquise pour aller « à la ville » prendre sa douche 2 fois par semaine), avec le temps qui semble s’étirer, sans connexion, mais aussi plusieurs semaines de pure poésie, avec le temps d’écrire, d’admirer la luminosité d’un jour d’hiver dans le grand nord. « ça change ce que j’ai envie d’illustrer, ma quête, ma démarche. C’est un terreau fertile » a-t-elle confié.
On le voit, il y a des voyages qui bouleverse le regard que l’on peut avoir. Des périples qui révèlent … Des moments où l’on comprend qu’il y a tant de choses à exprimer et à partager. C’est l’approche que Nord Espaces tente d’avoir en proposant un voyage qui permettra de concilier approche scientifique (le réchauffement climatique, la formation et la dérive des icebergs, …) et démarche artistique (la photographie).
Robert Bolognesi avec qui Nord Espaces travaille depuis des années a publié deux ouvrages de photographies appelés ICE et sa passion pour l’Arctique, sa compréhension de la fragilité de cet environnement en font un compagnon de voyage extraordinaire.
Pour celles et ceux qui ne pourront partir en 2018 ou en 2019, il est aussi possible de s’intéresser au projet Artistes en Arctique, de le suivre et de le soutenir .
Julia Snegur
Responsable Développement et Communication
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