Quel est le plus important pour un récit de voyage ? Les contrées traversées ou la personnalité de l’auteur ? La question ne se pose pas avec Voyage d’une femme au Spitzberg (1854). Que l’on en juge : l’île est alors placée « aux confins du monde » et le livre de Léonie d’Aunet (1820-1879) est dépeint comme « […] doux, vif, vrai, charmant et comme le reflet exquis d’elle-même » par Gustave Flaubert ! Léonie n’a que 19 ans quand commence son aventure nordique. Bravant une opposition unanime, elle suit dans un premier temps son futur mari, le peintre François-Auguste Biard, dans un périple à caractère scientifique au-delà du cercle polaire. Avec dans ses bagages Han d’Islande, récit épique écrit par Victor Hugo à l’âge de 19 ans, dont l’action se déroule à Trondheim en Norvège… Nord Espaces vous invite à découvrir les confins de l’Europe dans le sillage de Léonie.
Quittant Le Havre en mai 1839, Léonie navigue jusqu’à Rotterdam, La Haye, Hambourg, le Danemark, la Suède occidentale et enfin la Norvège, autant d’escales très agréables. Après quelques préliminaires maladroits, elle gagne vite sa place au sein de l’équipage, devenant ainsi le 19 juin 1839 la première Française à franchir le cercle polaire ! Cette partie de son voyage s’achève à Hammerfest, où elle embarque sur la corvette la Recherche. La ville la plus septentrionale de Norvège est aujourd’hui l’une des trente-deux escales de l’Express Côtier, qui offre dans les deux sens et depuis plus de cent ans, un service maritime régulier entre Bergen et Kirkenes.
Quittant la région des fjords au sud, il traverse lui-aussi le cercle polaire, avant de croiser le long des îles Lofoten et des côtes de Laponie. Comptant aujourd’hui 10 500 habitants, Hammerfest est le siège de la Société royale de l’ours polaire, animal pourtant absent de Norvège continentale. C’est que le port fut longtemps le point de départ des expéditions de chasse vers l’archipel du Svalbard, situé entre 74° et 81° de latitude nord, dont le Spitzberg est l’île principale. Un petit musée consacré à l’histoire de la chasse en milieu arctique en témoigne.
Léonie passe une quinzaine de jours au Spitzberg et dans les eaux environnantes. Emerveillée mais méfiante de la banquise, elle débarque dans la baie de la Madeleine, où elle découvre un cimetière et fait de la luge. A 211 km au sud d’Hammerfest, Tromsø est une autre étape de l’Express Côtier. Il est possible aujourd’hui d’y prendre un avion pour Longyearbyen, principale localité du Svalbard. L’itinéraire d’une croisière au Spitzberg, royaume incontesté de la faune boréale, dépend toujours des conditions météorologiques et de glaces. La baie de la Madeleine est un petit fjord cerné de montagnes acérées. Les baleiniers y laissèrent de nombreux vestiges, dont pas moins de 130 tombes.
De retour en Scandinavie, Léonie prend une initiative inattendue. Elle abandonne les passagers de la Recherche pour une exploration de cinq mois à travers la Laponie, alternant joyeuses cavalcades en traîneau à chiens, quantité d’observations, croquis et saynètes. Le voyageur contemporain, de retour à Tromsø, peut découvrir en voiture de location, outre la « capitale » du nord de la Norvège, l’île de Senja, l’archipel des Vesterålen et les petits ports de pêche des îles Lofoten… avant de s’enfoncer dans les immenses forêts de Laponie et revenir par la route du Cap Nord.
Sur le chemin du retour, Léonie rencontre à Berlin le baron de Humboldt, sommité en matière de voyages savants. Et un an plus tard Victor Hugo. Sa maîtresse pendant dix ans, elle publie ensuite plusieurs romans entre 1856 et 1863, suscitant bien des vocations de voyageur…
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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