La coupe du monde de football 2018 en Russie est l’occasion pour le public français d’aller jusqu’aux limites de l’Europe, à Ekaterinbourg, la ville pivot entre Europe et Asie. C’est là aussi que le Général de Gaulle a fixé à plusieurs reprises les limites du continent européen, en parlant en 1959 à Strasbourg de l’Europe qui allait « depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural [et] qui décidera du destin du monde » ou même plus tôt en novembre 1953 en déclarant « [en 1945] je n’oubliais pas que l’Europe va de Gibraltar à l’Oural » Enfin, c’est là que le 21 juin l’équipe de France rencontrera celle du Pérou …
4ème ville de Russie (derrière Moscou, Saint Pétersbourg et Novossibirsk) avec près d’1,5 million d’habitants, Ekaterinbourg est la capitale l’oblast de Sverdlovsk – dont elle a porté le nom durant la période soviétique – dans l’Oural. Construite sur le flanc asiatique de l’Oural – une chaîne montagneuse très ancienne qui ne dépasse pas les 1.895 mètres d’altitude (le Massif Central culmine à 1.885 m) – Ekaterinbourg est un point important à plus d’un titre sur la ligne du Transsibérien, à 1417 km à l’est de Moscou, puisqu’à partir de cette ville le train venu de Moscou entre en Sibérie, ou que le voyageur venu du Lac Baïkal pénètre en Europe.
En route vers Irkoutsk, c’est par Ekaterinbourg que Jules Verne fit franchir au messager du tsar, Michel Strogoff, incarnation de l’âme russe par son courage, la frontière fictive entre Europe et Asie avec l’objectif de prendre de vitesse les troupes tartares de l’émir Féodor-Khan. Michel Strogoff n’y fera que passer dans sa course contre la montre mais Jules Verne en livre une description intéressante quand elle est replacée dans son contexte : « géographiquement c’est une ville d’Asie car située au-delà des monts Oural, sur les pentes orientales de la chaîne. Néanmoins… elle est comprise dans une des grandes divisions de la Russie d’Europe… C’est comme un morceau de la Sibérie qui reste entre les mâchoires russes. ».
La ville est aussi connue pour avoir été le lieu en 1918 de l’assassinat de la famille impériale par la Tcheka (confirmée par les analyse de l’Université du Massachusetts). Cette exécution avait été ordonnée par Iakov Sverdlov (d’où le nom que pris Ekaterinbourg à partir de 1924 jusqu’en 1991) (Un autre article du blog Nord Espaces partage l’émotion qui saisit le voyageur à l’approche des lieux de l’exécution).
Vous aimez le vent et pas seulement les vents de l’Histoire ? Allez à Ekaterinbourg, vous serez comblé par la richesse de l’histoire et par un climat pour le moins étonnant : à la frontière entre l’Europe et l’Asie, Ekaterinbourg pouvait difficilement échapper à un climat continental, c’est-à-dire à de fortes amplitudes de températures selon les saisons : on a enregistré à Ekaterinbourg des températures approchant les 40°C en été et des -46°C en hiver. En moyenne, l’été, donc au moment de la compétition de football, les supporters devraient pouvoir compter sur une température moyenne de 22-23 °C. En hiver, elle sera plus basse… juste de 36°C. C’est la localisation d’Ekaterinbourg qui est la cause de ce climat si particulier, si changeant, notamment à cause des nombreux vents différents qui balaient l’Oural.
GLACE, ART ET ABANDOON
Ceci étant, l’hiver russe du côté d’Ekaterinbourg sait être d’une poésie unique, sachant que la neige est présente de la mi-octobre à la mi-avril : ainsi deux photographes d’Ekaterinbourg, Anastasia Popelskaïa et son mari Demon Antonov ont partagé des photos étonnantes prises cet hiver 2017 « Paradis de glace : les photos d’une maison abandonnée au gel à Ekaterinbourg ».
LA TOUR DE LA MORT
La ville concrétise sa transformation entamée depuis 10 ans et plusieurs sites « abandonnés » vont retrouver une deuxième vie. Les architectes raffolent du projet de nouvelle patinoire (qui devrait être opérationnelle lors de la coupe du monde de football) prévue sur l’emplacement actuel de la Tour de télévision. Il faut oser parfois la destruction !
Initialement prévue pour atteindre 400 mètres de haut, sa construction commencée en 1983 a été stoppée en … 1991 bien sûr, à 220 mètres de haut, ce qui reste une hauteur suffisante pour susciter des vocations d’alpinistes amateurs, d’explorateurs, … au point qu’on a compté jusqu’à 300 personnes en même temps en train de tenter l’escalade ! On imagine le nombre de suicides et d’accidents, malgré le panorama grandiose, liés à cet ouvrage qui lui a valu d’être baptisé « la Tour de la Mort ». La tour a été détruite par explosifs en mars 2018.
Dialogue avec le pouvoir à la russe
Plus drôle et témoignant de l’humour russe, Ekaterinbourg a été le théâtre d’une action appelée « comment forcer un fonctionnaire à travailler » où l’art de la rue allié au sens de la dérision et de la caricature ont permis de signaler aux fonctionnaires dont les visages étaient parfaitement reproduits les endroits où des travaux devaient être entrepris – et du coup, pour éviter cette contre publicité, les fonctionnaires responsables des travaux les ont programmés en priorité. L’action s’est révélée efficace puisque les caricatures ont été effacées avec les réparations.
2 personnages ont contribué au rayonnement d’Ekaterinbourg, dans des registres très différents :
Le premier est né à Ekaterinbourg le 16 novembre 1971 et c’est un nageur :
Aleksandr Vladimirovitch Popov a été surnommé « le Tsar » ou « la fusée russe » pour avoir mis fin à l’hégémonie des nageurs américains lors des compétitions internationales, notamment lors des Jeux Olympiques d’Atlanta et de Barcelone.
Le second est bien moins connu : il a atterri à Ekaterinbourg contre son gré et est devenu malgré lui une célébrité mondiale : il s’agit de Gary Powers, agent de la CIA et pilote d’avion furtif américain U-2, abattu par les missiles soviétiques à Ekaterinbourg (qui au passage ont même abattu un MiG qui pourchassait l’avion espion) et qui au désespoir des autorités américaines ne s’est pas suicidé et n’a pas détruit l’avion.
Le scandale à l’époque a été immense et planétaire d’autant que le dirigeant russe de l’époque, Nikita Khrouchtchev, a su gérer l’histoire de façon à faire perdre la face aux services de renseignements occidentaux, ne révélant l’histoire, la survie du pilote, la récupération de l’avion avec ses photos à Ekaterinbourg que bien après que les américains se soient empêtrés dans des déclarations officielles qui s’avérèrent fausses…
Exposition universelle 2025 : Ekaterinbourg, ville candidate
Enfin, il n’est pas impossible qu’Ekaterinbourg obtienne une reconnaissance mondiale d’ici quelques mois et plus encore en 2025 : la ville reste l’une des 3 dernières candidates à l’organisation de l’exposition universelle 2025 avec Osaka (Japon) et Bakou (Azerbaïdjan) depuis le retrait de la candidature de Paris en janvier 2018. La réponse sera connue en octobre 2018.
Les Expositions Universelles ont lieu tous les 5 ans et peuvent durer 6 mois. Les participants peuvent y construire des pavillons pour accueillir leurs visiteurs (à Paris on en trouve des exemples à la Cité Universitaire du 14ème arrondissement) et présenter leurs projets en lien avec le thème de l’exposition – Les Expositions Universelles abordent un thème qui sensibilise et propose des solutions aux défis internationaux contemporains, l’exposition de 2015, à Milan, avait pour thème « nourrir la planète, énergie pour la vie ».
Bakou a proposé l’organisation sur le thème « Capital humain », Osaka sur le thème « concevoir la société du Futur imaginer notre vie de demain » et Ekaterinbourg a proposé « Changer le Monde, Innovations et Qualité de Vie pour les générations futures », thème constituant selon la délégation russe « une pierre angulaire pour unir le monde dans un dialogue unique dédié aux enfants et aux générations futures » permettant aussi de présenter le visage de la nouvelle Russie.
La ville d’Ekaterinbourg pourrait mettre à disposition du projet un terrain de 555 hectares – 5 fois plus que le projet français – ce qui en ferait le plus vaste dans l’histoire des expositions mondiales et la capitale de l’Oural se verrait dotée d’un nouveau quartier résidentiel, de sites sportifs culturels et commerciaux reliés par de nouvelles infrastructures de transports. Le site serait un prototype du monde du futur, présentant des technologies qui « serviraient l’unique but du bien-être de l’Humanité ».
Il est donc plus que temps de programmer une visite de l’Oural et de la capitale de l’Oural, Ekaterinbourg, une ville chargée d’Histoire mais surtout une ville qui a l’ambition de se projeter dans le futur, en profitant de sa situation géographique entre Europe et Asie et de l’excellence de ses centres de recherche et de formation, notamment dans le domaine médical.
André
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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