Au sud-ouest, la baie des Chaleurs sépare la Gaspésie du Nouveau-Brunswick. Son nom fut inspiré à Jacques Cartier par le microclimat de la région. Membre du Club des plus belles baies du monde, elle possède la deuxième plus longue bande naturelle de sable, unique en ce qu’elle a un volume d’eau douce d’un côté, d’eau salée de l’autre. La baie est survolée par le faucon pèlerin, l’arlequin plongeur et le pygargue à tête blanche. Le Site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac compte onze bâtiments, dont le plus grand édifice en bois d’Amérique du Nord, construit à la fin des années 1840. Ils appartenaient aux deux plus importantes compagnies de pêche jersiaises. A Bonaventure, le Bioparc de la Gaspésie présente les cinq écosystèmes de la péninsule – la baie, le barachois (banc de sable ou de gravier), la rivière, la forêt et la toundra – ainsi qu’une trentaine d’espèces animales et de nombreuses espèces végétales.
A Nouvelle, le parc national de Miguasha se distingue par la richesse fossilifère de sa falaise. Elle raconte une page essentielle de l’histoire de la vie, il y a 380 millions d’années : le passage de nombreuses espèces de la mer à la terre. Le site livre des spécimens complets, fossilisés en trois dimensions, ainsi que des parties molles, cartilages, excréments, empreintes de branchies, traces de vaisseaux sanguins et de nerfs. Unique au monde, un spécimen d’Elpistostege watsoni – « Elpi » pour les intimes – pourrait bien être le poisson le plus apparenté à l’humain jamais découvert.
La qualité et l’importance de ces fossiles étant exceptionnelles, le parc est inscrit depuis 1999 sur la prestigieuse liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. A quelques encablures, la dernière bataille pour la possession du territoire nord-américain fit rage dans l’estuaire de la rivière Ristigouche. Après que la ville de Québec soit tombée en 1759 aux mains des Anglais, les troupes du général Wolfe prenant l’avantage sur celles du marquis de Montcalm, une dernière bataille navale eut lieu dans la baie des Chaleurs l’année suivante. Celle-ci scella le sort de la Nouvelle-France. Voilà pourquoi le Lieu historique national de la Bataille-de-la-Ristigouche expose les vestiges d’une frégate française du XVIIIe siècle retrouvée dans la rivière.
Le Musée acadien du Québec raconte avec force une histoire empreinte de courage et de solidarité. C’est en 1713 que le traité d’Utrecht mit fin à la domination française en Acadie, devenue colonie britannique et rebaptisée Nouvelle-Ecosse. Ce traité laissait aux Acadiens le choix entre quitter le territoire dans un délai d’un an ou devenir sujets britanniques. De religion catholique et d’expression française, la plupart des Acadiens restés sur place refusèrent de prêter allégeance. En 1753, l’attitude des autorités se durcit avec l’arrivée de Charles Lawrence comme lieutenant-gouverneur. Il percevait la présence francophone comme une menace et un frein à l’établissement d’une colonie britannique. En 1754, la reprise de la guerre contre les Français en Amérique donna prétexte à déloger les Acadiens, plus de quarante ans après le traité d’Utrecht. La déportation devint systématique en 1755. Chassés de chez eux et dépossédés de leurs terres, leurs biens saisis ou détruits, traqués et capturés par milliers, les Acadiens furent entassés sur des navires et dispersés dans les autres colonies américaines.
Dans l’empressement et la confusion, la déportation sépara des enfants de leurs parents, des maris de leurs épouses, déchira des familles. Les opérations militaires firent moins de victimes que la combinaison des naufrages, de la malnutrition et des maladies, notamment une épidémie de petite vérole. Et la situation des survivants demeura précaire, la plupart étant à la charge de l’Etat et en butte à une grande hostilité anticatholique. La déportation se poursuivit jusqu’à la fin de la guerre de Sept ans en 1763. Avec l’aide des Micmacs, certains Acadiens s’échappèrent en fuyant à travers bois. Un millier d’entre eux se réfugia plus tard dans la Baie-des-Chaleurs, dont 65 % de la population est aujourd’hui de souche acadienne.
Notre grand tour de la Gaspésie s’achève, Matapédia n’étant qu’à 152 km de Sainte-Flavie. Après la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, des Loyalistes, colons loyaux à la couronne britannique, furent les premiers à coloniser la vallée de la Matapédia. La région Ouest de la Gaspésie est la seule à être dépourvue d’accès à la mer. Sa vaste forêt est surtout composée d’épinettes et de sapins.
D’origine glaciaire, les lacs au Saumon et Matapédia invitent aux activités nautiques. Vous l’avez compris, si la Gaspésie est l’une des meilleures régions au monde pour pêcher le saumon, c’est particulièrement vrai ici ! Il faut être invité pour pêcher dans certains clubs privés détenteurs de droits ancestraux, mais on peut aussi obtenir un permis au poste d’accueil de la réserve faunique des rivières Matapédia-et-Patapédia. Sur cette chère Route 132, Mont-Joli offre enfin un beau panorama sur le Saint-Laurent.
Quel que soit le voyageur, il ne pourra conserver de ce millier de kilomètres parcourus en Gaspésie qu’un souvenir particulièrement fort, mêlant beauté des paysages, émotions historiques, satisfactions gastronomiques et rencontres chaleureuses.
Sébastien
La Gaspésie, berceau du Canada (2/3) La Pointe
Québec, terre des contrastes
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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