A la fin du XIXe siècle, il fallait en hiver pas moins de cinq mois pour acheminer une lettre d’Hammerfest à Trondheim. C’est en 1881 que les commerçants des îles Vesterålen envisagèrent d’acheminer courrier, fret et passagers par bateaux à vapeur, cela toute l’année grâce au Gulf Stream. Formé dans la mer des Caraïbes, ce courant marin chaud remonte jusqu’à Terre Neuve puis se divise en plusieurs branches. L’une d’elles caresse la Norvège du sud au nord, où il pénètre dans les fjords et adoucit considérablement le climat littoral jusqu’au cap Nord. Si un jour ces côtes devaient en être privées, elles deviendraient sans doute inaccessibles en hiver, englacées comme le sont celles du Groenland et du Canada arctique à la même latitude. En 1881, naviguer jour et nuit, toute l’année et même par gros temps entre fjords et rochers n’en était pas moins un pari audacieux…
C’est au petit matin du 2 juillet 1893 que Richard With, capitaine du DS Vesteraalen, entama son voyage inaugural de Trondheim à Hammerfest. Le premier bateau à vapeur de la compagnie Hurtigruten releva le défi en quelques jours seulement et 11 escales, ouvrant ainsi aux populations côtières une ère nouvelle de communication. En 1898, la ligne s’étendit au sud jusqu’à Bergen. Dix ans plus tard, Kirkenes, près de la frontière russe, devenait le port le plus septentrional de ce périple. Les rotations régulières des express côtiers permirent ainsi le désenclavement de localités isolées jusqu’alors du reste du monde. Ainsi naquit une véritable institution nationale, immortalisée par la chanteuse et compositrice Kari Bremnes dans la chanson « Hurtigrute »…
En ce début de XXIe siècle, douze navires parcourent en douze jours 2 500 milles nautiques (4 630 km) entre Bergen et Kirkenes. Ils font escale dans trente-quatre ports de cette côte extrêmement découpée, dont Trondheim ville millénaire, Svolvær la capitale des Lofoten, Tromsø le « Petit Paris du Nord », avant le cap Nord… La compagnie se veut exemplaire sur le plan écologique, bannissant les plastiques à usage unique, recyclant tous ses déchets, certains de ses bateaux étant même les premiers au monde à propulsion hybride.
Si aujourd’hui des réseaux routier et ferré tout à fait corrects desservent les bourgades les plus retirées, si toutes les villes importantes ont un aéroport, les étrangers de tous pays côtoient toujours avec bonheur, à bord des express côtiers, les voyageurs de commerce et les habitants du littoral, le temps de ce qui est réputé l’un des plus beaux voyages du monde. Reste une grande question : faut-il voir les fjords sous le soleil de minuit ou les aurores boréales ?
Sébastien
La Grande Croisière à bord de l’Express Côtier norvégien Hurtigruten
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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