La mythique Palanga, pour tout l’ambre de la Baltique

Plus grande station balnéaire et thermale de Lituanie, Palanga est aussi un haut lieu mythologique, où les tempêtes de la Baltique déposent sur les plages de l’ambre mêlé aux algues.

L’or de la Baltique

Qui n’a pas entendu parler de la Chambre d’ambre offerte par le roi de Prusse au tsar Pierre le Grand ? Longtemps au palais de Tsarskoïe Selo près de Saint-Pétersbourg, elle disparut mystérieusement à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’exposition à la galerie parisienne Kugel (jusqu’au 16 décembre 2023) de 51 objets datés du XVIe au XVIIIe siècles témoigne elle-aussi d’une fascination durable pour l’ambre. Les savants de l’Antiquité la définissaient « comme des larmes de jeunes filles, du sperme de baleine ou de l’urine de lynx solidifiée ». En poudre, elle fut longtemps réputée philtre d’amour et parée de vertus médicinales.

L’ambre est en fait une résine fossilisée, issue de forêts de conifères vieilles de 30 à 40 millions d’années, dont la couleur varie de l’ivoire au mordoré. La Lituanie est à proximité immédiate de la côte d’Ambre, bande côtière au nord-ouest de Kaliningrad, où se trouve plus de 80 % des réserves mondiales estimées de la précieuse résine, extraite là-bas de mines à ciel ouvert.

Le charme des anciennes stations stations balnéaires

Située dans le bassin du Niémen, à 40 km à vélo au nord de Klaipėda et de l’isthme de Courlande, Palanga est entourée de forêts de pins, de plages et de dunes dorées, les rares collines ne dépassant pas 250 mètres d’altitude. La ville elle-même compte un peu plus de 18 000 habitants.

Si leurs ancêtres vécurent longtemps de la pêche, du commerce de l’ambre, du miel et des fourrures, le tourisme est de nos jours leur première source de revenus. Tout Lituanien vient un jour sur le long ponton de Palanga pour admirer le coucher du soleil sur la Baltique… La station balnéaire prit son essor dès la fin du XIXe siècle, quand des nobles y firent construire palais et villas face à la mer.

Le plus bel exemple est le palais Tiškevičiai, bâti dans le style néo-Renaissance de 1893 à 1897 pour la famille du même nom. Il abrite le Musée de l’Ambre dont plus de la moitié des 28 000 pièces comporte des inclusions d’insectes, d’araignées ou de plantes. Seules 5 000 d’entre elles sont exposées. Parmi ses pièces maîtresses, notons de nombreux bijoux, des œuvres d’art et la fameuse Pierre de Soleil, de la taille d’une tête humaine et lourde de 3,526 kilos !

Au coeur de la mythologie lituanienne

Le palais Tiškevičiai est entouré du plus beau jardin botanique de Lituanie, achevé en 1898 par Édouard François André, horticulteur et architecte paysagiste français. On y trouve sur une centaine d’hectares des parterres de fleurs et une roseraie, des fontaines et plans d’eau, une plage et des dunes, 500 espèces d’arbres et d’arbustes, dont un grand nombre de pins. Ce n’est pas un hasard si, lors de l’aménagement du parc, certains s’opposèrent à l’abattage de vieux arbres considérés sacrés. Palanga est en effet un lieu privilégié de la mythologie lituanienne.

C’est ainsi à Palanga que se déroule le conte lituanien d’ « Eglė, la reine des serpents ». Après s’être baignée avec ses deux sœurs, Eglė découvre un serpent dans ses vêtements, qui n’accepte de s’en aller que si elle promet de l’épouser. Trois jours plus tard, des milliers de serpents venant la chercher sont piégés trois fois de suite par les proches d’Eglė. Ils parviennent à la quatrième tentative à conduire Eglė au fond de la mer, auprès de leur maître, qui se trouve finalement être le très séduisant Žilvinas.

Quatre enfants naissent de leur heureuse union, jusqu’à ce qu’Eglė retourne voir sa famille terrestre avec eux, contre l’avis de son mari. Refusant de la laisser repartir, les parents d’Eglė parviennent à tuer Žilvinas. De chagrin, celle-ci change ses enfants et elle-même en… arbres. Eglė est ainsi le nom lituanien de l’épicéa.

Le jardin botanique est aussi dominé par la colline de Birutė, nom d’une prêtresse païenne, gardienne d’un feu sacré et mère de Vytautas le Grand, l’un des plus fameux souverains du grand-duché de Lituanie (1392-1430). La légende dit que Birutė fut enterrée au pied de cette colline. A son sommet, des archéologues identifièrent ce qui devait être un sanctuaire païen doté d’un observatoire céleste, probablement construit en l’honneur de la prêtresse, dont le culte resta vivace longtemps après sa mort. Voilà qui atteste bien de la longue résistance à la christianisation de la Lituanie. L’Eglise riposta en 1506 par une chapelle dédiée à Saint-Georges…

Palanga, dont le feu sacré brille toujours dans l’ambre et les couchers de soleil, est aussi francophile. Longue vie à son récent jumelage avec Saint-Gilles-Croix-de-Vie, fameuse station balnéaire de l’autrefois très catholique Vendée !

Grand tour des pays baltes en voiture