Les nomades d’Asie centrale chassent à l’aigle depuis au moins 2 500 ans. Cette tradition est encore bien vivante chez les Kazakhs et les Kirghizes, notamment dans la province de Bayan-Ölgii, à l’extrême-ouest de la Mongolie. Là-bas, près de la frontière avec la Russie, la Chine et le Kazakhstan, environ 400 chasseurs kazakhs dressent toujours de père en fils des aigles sauvages.
Le domaine de ces aigliers est l’Altaï, dont le mont Khüiten (4 374 m) est le point culminant de la Mongolie et les hauts-plateaux abritent une faune variée, parfois rare et menacée d’extinction : léopards des neiges, cerfs, bharals (ou moutons bleus), loups, renards, martres, canards et bien sûr aigles royaux. Un festival annuel y célèbre les aigliers en septembre ou octobre. Ils font de la Mongolie un des hauts-lieux de la fauconnerie, inscrite en 2016 par l’UNESCO sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Un aigle adulte peut peser jusqu’à 8 kg pour une envergure de 2,2 m. Si ses proies habituelles sont le renard, le lièvre et la marmotte, les plus forts s’attaquent aussi au bharal, au loup et au léopard. Bien dressé, le rapace est l’un des sept « trésors » traditionnels de l’homme kazakh : le courage, une femme intelligente, un cheval rapide, un aigle royal pour la chasse, un lévrier afghan fidèle, une bonne arme, la connaissance/le savoir.
Les rapaces sont capturés de diverses façons : au nid, souvent quasi inaccessible sur des pentes abruptes ; piégés jeunes dans un filet ou par une patte, le chasseur devant alors libérer rapidement l’animal pour éviter qu’il ne se blesse ; en les suralimentant, ce qui leur interdit de voler haut et loin et permet d’envisager une traque à cheval jusqu’à épuisement. Les femelles sont réputées les plus douées pour la chasse.
Chaque rapace a sa personnalité. Il reconnaît rapidement la silhouette et la voix de son maître, qui a intérêt à prendre grand soin de lui s’il veut se faire obéir ! On commence le dressage en affamant l’aigle. Puis on le nourrit de morceaux de viande passés à l’eau pour en enlever l’excès de sang. Ils sont d’abord disposés tout près sur une table, puis progressivement éloignés d’1 m, 5 m, 10 m… On habitue aussi l’aigle à se poser puis se tenir durablement sur un bras en mouvement. Le capuchon en cuir couvrant ses yeux calme l’oiseau et l’empêche de s’attaquer aux enfants et aux chevaux !
L’entraînement se poursuit avec des peaux de lièvre et de renard traînées sur le sol, puis un louveteau. C’est que le loup est l’ennemi de l’éleveur, qui sait que quand un loup capturé est attaché près d’une yourte, ses congénères ne s’approchent pas. Après avoir bandé les serres de l’aigle pour qu’il ne blesse pas le canidé, on incite le rapace à se saisir d’un morceau de viande disposé sur son dos. L’aigle finit par associer la proie à la récompense carnée. Les enfants sont formés au dressage avec des faucons, bien plus légers (environ 1 kg).
L’aigle commence sa mue en mars. Son maître l’alimente alors suffisamment pour que son nouveau plumage lui permette d’affronter les rigueurs du prochain hiver. Il le remet à la diète au début de l’automne, vidant au surplus son estomac des fourrures non digérées de lièvres et de marmottes. La chasse se pratique dès la fin de l’automne, quand les animaux commencent à laisser des traces dans la neige. Elle se poursuit tout l’hiver par des températures parfois inférieures à -30°C…
Les vêtements, l’équipement de l’aigle et le harnachement de circonstance sont issus du meilleur artisanat. Le chasseur revêt de chauds vêtements en peaux de loups, renards ou moutons, une épaisse ceinture décorée d’argent à laquelle pend le sac contenant les morceaux de viande, des chaussettes de feutre, de hautes bottes en cuir, une chapka en fourrure de renard et bien sûr un gant de fauconnerie.
En cuir sur une structure en bois de bouleau, la selle kazakhe est large et plate, très confortable tant pour le cavalier que pour le cheval. Ce dernier, robuste et rapide, ferré avec soin, a lui-aussi été préparé des mois à l’avance.
Accompagné d’au moins deux rabatteurs eux-aussi à cheval, le chasseur porte son aigle aveuglé sur son bras droit ganté.
Il se poste sur une éminence pour observer les environs et peut-être désigner sa cible au rapace. Les rabatteurs font leur office, renseignent le chasseur sur les traces fraîches et séparent au plus vite l’aigle de sa proie.
Les aigliers finissent par relâcher leurs chers oiseaux pour leur permettre de se reproduire, parfois après plus de quinze ans de service.
Sébastien
Immersion dans les paysages de l’Altaï en Mongolie
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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