« Ça brûle au Canada, ça brûle en Suède, on va tous brûler… »

Les données récentes sur les incendies de forêt confirment que les incidents sont de plus fréquents et détruisent deux fois plus de surface forestière aujourd’hui qu’il y a 20 ans.

Ces dernières années, à cause de la sécheresse, l’Europe a connu des incendies dévastateurs : France, Portugal, Grèce, Espagne… mais aussi Finlande, Suède et Norvège. Selon le VTT (Centre de Recherche Technique de la Finlande), plus de 400 000 hectares de forêt ont brûlé en 2019, ce qui représente la pire année pour les feux de forêt en Europe. « Ça brûle au Canada, ça brûle en Suède, on va tous brûler sauf si on fait des lois pour nous protéger sur le long terme », Malin Björk, eurodéputée suédoise.

Les forêts boréales, un danger insoupçonné.

La grande majorité – environ 70 % – des pertes au cours des deux dernières décennies se sont produites dans les régions boréales. Cette tendance inquiétante est probablement liée au fait que les régions nordiques de haute latitude se réchauffent à un rythme plus rapide que le reste de la planète. Ainsi en 2019 le glacier islandais Okjökull a été officiellement déclaré “dead ice” par Katrin Jacobsdottir, premier ministre islandais. En 100 ans il ne reste presque rien de ses 15 km² d’étendue glacée.

En 2018, la Suède a été sévèrement touchée par 80 incendies qui ont détruit plus de 25.000 hectares de bois pour une valeur de plus de 100 millions d’euros. Plusieurs pays européens ont envoyé des renforts pour éteindre les incendies survenus dans tout le pays.

En 2019 l’Écosse, la Norvège et la Suède sont à leur tour et à nouveau gravement touchées par des incendies de forêt en raison d’un temps sec dans le nord.

En 2021 un vaste feu de forêt a ravagé plus de 300 hectares en cinq jours dans une vallée du nord-ouest de la Finlande, après un début d’été exceptionnellement chaud dans ce pays nordique.

En juin de cette année 2023, la fumée de multiples feux de forêt au Canada a atteint la Norvège, à des milliers de kilomètres des incendies, confirme l’Institut norvégien de recherche climatique et environnementale (NILU) et même probablement la France.

La disparition des forêts boréales est inquiétante. Savez-vous qu’elles sont l’un des plus grands entrepôts de carbone terrestre de la planète ?

La majeure partie du carbone est stockée dans le pergélisol. Mais la hausse de température cause la fonte du pergélisol ce qui rend le carbone du sol plus vulnérable à la combustion.

La nouvelle donne pourrait transformer les forêts boréales, jusqu’à présent puits de carbone (zone qui absorbe plus de carbone qu’elle n’en émet) en source d’émissions de CO2. Par conséquent, la surveillance, la localisation rapide du feu et l’action ciblée deviennent des enjeux importants dans tous les pays.

Quelles solutions pour faire face au feu des forêts ?

Depuis des années, pour les Etats-Unis et le Canada, le système d’information sur les incendies pour la gestion des ressources (FIRMS) distribue des données actives d’incendie en quasi-temps réel (NRT) à partir d’un spectroradiomètre imageur à résolution moyenne (MODIS) installé à bord des satellites Aqua et Terra, et de la suite de radiomètres à imagerie infrarouge visible (VIIRS) installés à bord de S- NPP et NOAA 20 (anciennement connu sous le nom de JPSS-1). À l’échelle mondiale, ces données sont disponibles dans les 3 heures suivant l’observation par satellite.

3 heures, est-ce que cela suffit pour réagir ? La plupart des feux de forêt avancent au rythme de moins de 0,5km/h, certains progressent à une vitesse de plus de 1 km/h. Mais les feux les plus violents peuvent se déplacer à plus de 6 km/h. Jusqu’à 18 km de forêt incendiée sans compter le temps de réaction pour les pompiers une fois l’information connue …

En Finlande, dans le cadre du projet européen Fireman, des chercheurs d’universités et de centres de recherche finlandais développent ensemble des solutions pour prévenir et lutter contre les incendies de forêt. Ce groupement rassemble des chercheurs de l’Institut Finlandais de Recherche Géospatiale (FGI) du National Land Survey of Finland (NLS), l’université de Jyväskylä, l’université d’Oulu et les chercheurs du Centre de Recherche Technique (VTT) de Finlande. Financé par l’Académie de Finlande, le projet se déroulera de 2022 à 2024. « Nous développons une nouvelle technologie de drone basée sur l’IA pour détecter rapidement les feux de forêt et fournir une connaissance de la situation lors de l’extinction des incendies » explique le professeur Eija Honkavaara du NLS, qui dirige le projet.

Les drones apparaissent comme une solution innovante pour la surveillance des forêts et même plus : une entreprise canadienne de plantation d’arbres Flash Forest utilise des drones, l’automatisation, la science écologique et la technologie IA/SIG pour régénérer des forêts après incendie. Aux Etats-Unis, l’agence fédéral Federal Aviation Administration est déjà en train de légiférer.

Comment la France se protège du feu ?

La France est touchée par le réchauffement climatique. Les incendies sont de plus en plus fréquents. Un tiers des 16,9 millions d’hectares de forêts françaises est classé sensible au risque d’incendies. Contrairement aux idées reçues, la surface forestière ne cesse de croître en France et les zones tampons que représentaient les terrains agricoles sont de moins en moins nombreuses.

Un Rapport d’information du Sénat de 2019 signé de M. Jean Pierre VOGEL fait un état des lieux alarmiste sur nos capacités techniques et financières à faire face à des feux dévastateurs. Des départements comme la Corse, l’Aude et les Pyrénées-Orientales sont cotés comme ceux à risque.

Face à des conséquences dramatiques et à des risques accrus, la prévention et l’anticipation apparaissent comme les seules solutions viables pour faire face à un problème d’ampleur phénoménale.

Plusieurs projets s’appuyant sur des nouvelles technologies sont menés en France en même temps, par exemple :

BURN Monitor

Ce projet propose la surveillance des zones à risque par IoT (Internet des objets) un réseau des capteurs connectés sans fil à basse consommation. Ce projet s’appuie sur 6 partenaires dont 5 sont américains, notamment la start-up Planet basée à San Francisco qui met à disposition une constellation de plus de 130 petits satellites équipés de caméras haute résolution. Grâce à l’installation d’une clôture virtuelle de capteurs autour des zones à protéger, le MOFD reçoit une alerte dès qu’un feu de forêt traverse cette clôture.

FIRE EAGLE Drone

Le second projet intitulé Fire Eagle est porté par une entreprise française MENAPS basée à Toulouse. Le drone Fire Eagle se présente comme un engin autonome doté d’une intelligence artificielle capable de prédire et de détecter les feux de forêt à partir de 2km de distance. Son système embarqué est prévu pour alerter les Sapeurs-Pompiers en temps réel. Il est capable de surveiller avec précision 706 hectares en 30 secondes. Grace à l’IA prédictive, les démarrages de feux sont détectés avec plus de 95% de précision.

Les Pompiers de l’Aude testent déjà ce drone pour lutter contre les feux de forêts. Durant le mois de juillet 2023, le service départemental d’incendie et de secours de l’Aude va utiliser, à titre expérimental, un drone permettant de les alerter sur des départs ou des reprises d’incendie. Cela débutera dans le secteur de Lézignan-Corbières ces prochaines semaines et devrait permettre de limiter les effectifs surveillant les feux de forêt.

Ce projet innovant qui a recours à l’intelligence artificielle vise à compléter l’automatisation des tours de guet afin d’assurer une surveillance 24h/24 et 7j/7 tout au long de l’année et ce sur 100% du territoire de l’Aude, touché chaque année par près de 300 feux de forêt.

L’Intelligence artificielle suscitant beaucoup d’enthousiasme mais aussi de controverses semble pouvoir répondre à de nombreux défis qui se présentent dans notre futur proche.

Fire Eagle drone est une solution française, indépendante des satellites étrangers qui permet de garder le contrôle sur les données et sur la technologie.

Par ailleurs, il existe en Europe depuis 1998, le système d’information européen qui regroupent les statistiques, les analyses et les données concernant les incendies. Dernièrement l’Union européenne a doublé la capacité de sa flotte de lutte contre les incendies avec 28 avions et hélicoptères au total qui complète celles des Etats membres.