Pour un parisien de six ans, prendre le bateau pour aller voir un « château » a le parfum des vacances. Suomenlinna, « Forteresse de Finlande », porte bien son nom tant elle est liée à la grande histoire du pays. D’abord province du Royaume de Suède entre le XIVe et le début du XIXe siècle, la Finlande fut ensuite un grand-duché de l’Empire russe de 1809 à 1917, année de son indépendance. Suomenlinna participa ainsi à la défense de trois Etats souverains avant de subir l’assaut de ce début juin.
C’est en 1748 que la Suède entreprit, sur six îles à l’entrée de la rade d’Helsinki, la construction d’une forteresse bastionnée. Le site est stratégique, à mi-chemin sur la route maritime entre Stockholm et Saint-Pétersbourg, capitale russe depuis 1712. Les travaux furent supervisés par l’amiral suédois Augustin Eherensvärd, qui adapta les théories de Vauban aux caractéristiques géographiques très spécifiques de la région, avec à la clé de beaux morceaux d’architecture. La France participa aussi financièrement. Epousant le paysage, la construction dura au total une quarantaine d’années – essentiellement en été, le mortier ne prenant pas en hiver – sur un terrain varié. L’itinéraire de visite principal présente ainsi des pentes raides et passages difficiles. On utilisa la roche locale pour les constructions originelles.
En 1750, le roi Frédéric Ier baptisa la forteresse Sveaborg (« Forteresse de Suède »). La monumentale Porte du Roi, construite en 1753-1754, en est le symbole. La dangereuse cavalcade de mon fils dans une enfilade de sous-sols voûtés s’interrompit sur un doute : « Y a des fantômes ? » « Si tu t’éloignes de trop, je ne réponds de rien ».
Honte sur moi. La grande cour Suuri linnanpiha fut achevée au cours de la décennie suivante. Agrémenté d’arbres centenaires, l’ancien centre névralgique se prête aujourd’hui au repos de chats indolents autour du monument funéraire d’Augustin Ehrensvärd. Non, il n’est pas orné des armes de l’amiral reposant au cœur de sa création ; le casque corinthien évoque un autre archipel, par-delà l’espace et le temps…
Le chantier naval figure parmi les plus vieux docks au monde encore en activité. A l’origine de la flotte de l’archipel dans les années 1760, il travaille toujours les bateaux en bois.
A côté, le soleil fait briller l’acajou des petits voiliers du port de plaisance. Longtemps considérée inviolable, Sveaborg remplit sa fonction en 1788 au cours de la guerre maritime opposant la Suède à la Russie, mais fut livrée presque sans combats en 1808.
Nous flânons un moment du côté de l’église entourée de lilas, avant un temps calme autour d’un jus de fruit dans l’une des anciennes maisons. La future Suomenlinna battit donc pavillon russe pendant 110 ans. L’église de garnison construite en 1854, d’abord orthodoxe, fut convertie dans les années 1920 au culte luthérien. L’une des quatre églises au monde à abriter un phare – toujours en activité – dans son clocher, elle est aujourd’hui très demandée pour les mariages.
En 1855, la guerre de Crimée s’invita aux portes d’Helsinki. L’avance technique de la flotte anglo-française lui permit d’infliger d’importants dégâts à la forteresse, tout en restant hors de portée des canons russes… Mais les troupes tsaristes tinrent bon.
On peut encore voir à Kustaanmiekka (« L’Epée de Gustave ») la forteresse bastionnée originelle, et la ligne de défense construite par les Russes à la fin du XIXème siècle, dont les remparts de sable étaient censés mieux résister à l’impact des boulets. Les canons orientés vers l’Ouest font d’honorables chevaux d’arçons.
En 1918, la forteresse accueillit un camp de prisonniers pendant la guerre civile finlandaise. Elle prit la même année le nom de Suomenlinna. La Seconde Guerre mondiale inspira l’installation de pièces d’artillerie et d’une base sous-marine. Alors opérationnel, aujourd’hui sorti de son élément, le sous-marin Vesikko enthousiasme mon fils. Lui ne se cogne pas la tête dans les cloisons.
La garnison finlandaise déménagea finalement en 1973, prélude à l’inscription de Suomenlinna au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1991, au titre d’exemple particulièrement intéressant de l’architecture militaire européenne. Sur une superficie de 210 ha, l’ensemble actuel se compose de 200 bâtiments et 6 km de fortifications. Un beau terrain de jeu ! Ce haut lieu culturel se prête aussi l’été venu à la baignade et à la sieste sous ses fortifications. Il n’est toutefois pas de tout repos avec un jeune enfant, du fait de nombreux risques de chutes et des vagues s’échouant sur le rivage dans le sillage des gros bateaux.
Nous empruntons au pas de course la passerelle menant à l’île de Pikku Mustasaari. Suomenlinna est de nos jours un quartier d’Helsinki où résident environ 850 personnes.
Elle abrite des logements et bureaux, salles de réunion et de réception, douze restaurants et cafés, des ateliers et galeries d’art, six musées. Plusieurs grandes manifestations culturelles y sont organisées chaque année. Si le tunnel reliant Suomenlinna au centre-ville permet les évacuations d’urgence, c’est en bateau que la plupart des habitants vont travailler, la place Kauppatori n’étant qu’à 15 à 20 minutes de ferry.
On compte bien sûr des charpentiers de marine parmi les nombreux artisans installés dans la forteresse. Le soir venu, Suomenlinna offre à tous un cadre de vie paisible et romantique. Je rentre à l’hôtel lesté d’un enfant endormi…
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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