Régis Boyer définit le Viking comme « un commerçant de longue date, remarquablement équipé pour cette activité, que la conjoncture a amené à se transformer en pillard ou en guerrier, là où c’était possible, lorsque c’était praticable, mais qui demeurera toujours quelqu’un d’appliqué à […] acquérir des richesses ». Les Vikings étaient originaires de Norvège, du Danemark et de Suède, entre la mer du Nord et la Baltique. Païens jusqu’à la première moitié du Xe siècle, ces peuples avaient en commun une grande tradition navale et une hiérarchie sociale fondée sur la séparation des classes. Esclaves, hommes libres et nobles devaient obéir à des dynasties locales de rois et de chefs de clans, rivales entre elles.
Les chefs se peignaient les yeux, portaient des vêtements de couleurs vives et arboraient de lourds bijoux : torques, fibules, brassards et bagues. Ce code vestimentaire racontait une histoire d’aventure, de témérité et de courage récompensés. Au Danemark, le Centre viking de Ribe présente une reconstitution de maison longue. Construite de bois, pierre et tourbe, elle se compose d’une pièce principale qui servait de salle à manger et de dortoir, avec des annexes pour le stockage. L’alimentation viking comprenait du hareng salé, du porridge d’orge et de la tête de mouton bouillie. Les riches et puissants possédaient aussi des chevaux de prix.
Les garçons étaient entraînés au combat dès le plus jeune âge et socialement conditionnés aux bains de sang. Dans les nombreuses tombes intactes du VIe siècle exhumées sur l’île suédoise de Gotland, l’archéologue John Ljungkvist constate que « près d’un homme sur deux semble enterré avec ses armes ». La guerre ne leur était pas réservée. Un célèbre texte irlandais raconte ainsi comment, au Xe siècle, une femme nommée Inghen Ruaidh (« la fille rouge », d’après la couleur de ses cheveux) dirigea une flotte viking en Irlande.
Robustes, élancés et légers, leurs premiers navires se prêtaient à tous les usages : l’exploration, le commerce, la guerre, voire la sépulture. Les plus petits pouvaient être acheminés sur la terre ferme. L’architecture varia ensuite selon l’usage. Exhumée d’un tertre funéraire, l’embarcation de Gokstad, navire de guerre du IXe siècle, était propulsée à la voile et par trente-deux rameurs. Elle était appelée langskip ou snekka, le terme drakkar étant un barbarisme erroné créé au XIXe siècle. Les Vikings ne portaient pas non plus de casque à cornes, sauf peut-être au cours de cérémonies…
C’est au milieu du VIIIe siècle qu’ils amorcèrent leur formidable expansion. Pendant trois siècles, ils explorèrent les côtes atlantiques de l’Europe, la Méditerranée, l’Orient et même l’Amérique (Vinland). L’archéologue Neil Price estime qu’ils se rendirent ainsi dans l’équivalent actuel de trente-sept pays, de l’Afghanistan au Canada. Ils se frottèrent en route à plus de cinquante cultures médiévales, dont bien sûr celle des Volga, leurs voisins immédiats du Nord.
Les Vikings établirent des comptoirs commerciaux et des colonies aux îles Féroé et Orcades, en Islande, au Groenland, etc. Bâtisseurs de villes, par exemple à York, Kiev et Novgorod, ils fondèrent aussi des États originaux en Normandie et Russie. Certains empruntèrent le réseau des lacs et fleuves russes pour atteindre l’Asie centrale et ses routes caravanières venues d’Extrême-Orient. D’autres établirent peut-être dès 985 des avant-postes sur la côte nord-est du Canada, s’aventurant probablement du golfe du Saint-Laurent à l’arctique canadien, en passant par Terre-Neuve.
Les Vikings écumèrent aussi les côtes et les fleuves, la Seine et ses affluents par exemple, frappant brusquement avec une brutalité épouvantable. En France carolingienne, ces Normands (« Hommes du Nord ») saccagèrent au seul IXe siècle plus de cent vingt villages, massacrant, vidant les églises de leurs trésors, réduisant les survivants en esclavage. Des annales contemporaines racontent que des centaines de bateaux vikings abordèrent la côte est de l’Angleterre en 865. Les envahisseurs écrasèrent plusieurs royaumes anglo-saxons et s’emparèrent des terres pour s’y établir. En Russie, historiens et archéologues soulignent le poids de l’esclavage dans l’économie viking. Dans les bazars, le long de la Volga et sur le pourtour de la Caspienne, les musulmans payaient au prix fort, en dirhams d’argent, les esclaves étrangers. Des dizaines de milliers de Slaves subirent ce sort funeste.
L’Âge des Vikings prit fin au XIe siècle, avec leur assimilation dans les pays colonisés, l’affirmation en Scandinavie de pouvoirs monarchiques centralisateurs et la conversion au christianisme. Mais un millénaire ne les a pas effacés des mémoires. Chaque année en janvier, une minutieuse réplique de langskip est brûlée par une foule en liesse à Lerwick. Fête du feu, l’Up Helly Aa célèbre ainsi le passé viking des îles Shetland, au nord de l’Ecosse. Il y a environ 1 200 ans, les Vikings abordèrent pour la première fois ces côtes rocheuses, écrasant les défenses pictes. Les seigneurs norvégiens régnèrent six siècles sur l’archipel, avant de le laisser en gage au roi d’Ecosse.
A lire :
BOYER Régis, Les Vikings : Histoire, mythes, dictionnaire, Robert Laffont, 2008
PRINGLE Heather, « Vikings – La saga revisitée », National Geographic, mars 2017, n°210, Vol. 36.3, pp.28-57
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Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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