Vous vous demandez bien comment sur un blog consacré aux pays nordiques, il serait possible de traiter le sujet du féminisme ? C’est une question d’expérience ; c’était il y a 2 semaines… je revenais de nouveau en Russie, à Saint-Pétersbourg…
A la douane, en choisissant le « passage vert – rien à déclarer », j’espère qu’aucun douanier ne sentira pas l’odeur du fromage entassé dans ma valise. Je m’efforce de bâtir avec le peu de naïveté qui me reste, la fragilité féminine et l’infériorité devant les hommes en uniforme au cas où un « tamojnik» s’intéresserait à ce que j’apporte avec moi de France. J’amène au moins 10 kilos de fromage pour soutenir une alliance « populaire » franco-russe qui en a besoin ! A la sortie des bagages, une foule patiente… Ici et là je vois des fleurs : une rose solitaire, de grands et de petits bouquets… Rien n’a changé, les hommes achètent toujours des fleurs. Moi aussi, j’aurai droit à quelques marguerites amenées par le père de ma belle-sœur qui s’est porté volontaire pour assurer mon transfert : tradition oblige…
« A la différence de nous les hommes, vous les femmes, vous regardez d’abord les autres femmes en vous mesurant par rapport à elles. Nous, les hommes regardons surtout les femmes », me disait un bon ami. Il avait raison : spontanément, j’étais en train d’observer les femmes et j’ai continué à le faire pendant tout mon séjour en m’interrogeant sur la notion du féminisme en Russie.
Je m’amuse à poser la question sur le sens du féminisme à quelques-unes de mes connaissances russes ; à l’évidence, ce courant ne trouve pas sa place en Russie. Si de plus en plus de femmes sont indépendantes financièrement parlant et occupent dans le monde économique des postes à responsabilité, la quête de l’égalité homme-femme sous le label du féminisme n’est pas forcement applaudie. Certaines femmes russes vont même jusqu’à simplifier les choses : « les féministes sont celles qui sont incapables de retenir un homme » ; d’autres tout simplement « désapprouvent les extrêmes » enfin il reste celles qui ne se voient pas féministes par idéologie ou pas conviction mais par expérience.
Le culte de la féminité est toujours porté à nue dans le monde slave : beaucoup de mes clients occidentaux me parlent à leur retour de Russie des femmes croisées sur place : « toutes quasiment mannequins, coiffées, maquillées, pratiquement toutes en talons ». Quelques que soient les conditions, la pluie ou la neige, la fonte ou la glace, les talons restent une pièce maîtresse dans la garde-robe d’une femme russe. Les selliers-maroquiniers italiens alliés aux fabricants russes sortent aujourd’hui des collections élégantes adaptées aux hivers russes ; pour tout dire, j’achète toutes mes bottes en Russie. Faîtes un petit voyage en hiver en Russie et vous verrez qu’on peut rester élégante par moins 30°C.
Les femmes russes n’aiment que le vrai, les valeurs sûres. Si on ne le lui offre pas, la femme russe est aussi capable d’économiser pendant plusieurs années pour acquérir un magnifique manteau de fourrure. Voilà pourquoi, tous les fourreurs occidentaux comme d’autres grandes marques haut de gamme font fortune en Russie. Même de condition moyenne, la femme russe préférera toujours la qualité à la quantité. De même le « pratique » ne veut pas dire « joli » en russe. Leurs hommes le savent bien…
Dans les vitrines je vois les robes, beaucoup de robes… j’ai beau m’éloigner du centre-ville et gagner les quartiers populaires avec leurs routes sales et défoncées, je me retrouve à nouveau devant une vitrine avec des robes chics. Une femme en talons me devance en contournant aisément un trou rempli d’eau dans le macadam.
Je descends dans le métro et là encore je me demande si nous ne sommes pas le 8 mars « la fête de femmes », parce qu’ici et là, je vois des hommes de tous âges avec des bouquets ainsi que des femmes. Elles ne se sont certainement pas offertes les fleurs par plaisir même si c’est probablement ce qu’elles diraient à leur homme jaloux. Je finis par poser la même question sur le féminisme au genre masculin… « On devient féministe quand on cesse d’apprécier sa condition ou le rôle attribué », reçois-je en guise de réponse. Et en effet les psychanalystes disent que de manière générale, nous faisons souvent de nos faiblesses et nos insatisfactions un cheval de bataille pour mieux les supporter.
Quelques mots à propos des hommes russes… Ils sont courageux jusqu’à l’inconscience, terriblement romantiques au temps des premières amours, que l’on appelle ici le temps « des bonbons et des fleurs », infidèles ensuite. Ils sont aussi férocement patriotes (ils ont le droit de blâmer le désordre russe mais pas vous), sans hypocrisie, têtus, virils et fidèles en amitié, mais il leur arrive d’être rustres, adorant manger et boire jusqu’à l’excès avec leurs copains et jouant les protecteurs-machos avec les femmes. A la différence des occidentaux, ils continuent à céder leur place aux vieux et aux femmes dans les transports, ne laisseront JAMAIS une femme, même inconnue, galérer avec sa valise dans les escaliers du métro, quitteront leur 4X4 pour aider une grand-mère à traverser la route, paieront toujours la note au restaurant même s’ils mangent avec une simple collègue de travail. Bricoleurs et exclusifs, ils gronderont leur femme si elle a changé seule une ampoule brulée.
Toute atteinte à la virilité est mal vue en Russie ; c’est un des traits marquants du caractère national et explique sans doute qu’on n’y admette pas la « gay pride », même à Moscou pourtant cosmopolite. Si vous ne pouvez le comprendre, le monde russe vous demeurera toujours étranger.
Au final ce qu’il faut retenir c’est que les russes sont émotifs et sentimentaux. Fidèles à la littérature classique russe, ils sont souvent à la recherche de sens, de la spiritualité et adorent philosopher : « il faut sentir pour vivre » .
Après 15 ans de séparation avec l’âme russe je redécouvre à travers mes ami(e)s l’ampleur du Sentiment dans « gender relations » et l’irrationalité qui l’accompagne.
Quant au féminisme, les femmes russes choisissent souvent de faire de leurs hommes la « tête » de la famille, se réservant d’en être le « cou » qui oriente cette tête dans la bonne direction ; dixit l’une de mes amies, « il faut laisser à l’homme sa fierté, sans elle il est bon à rien ». Il faut être deux pour jouer au féminisme…
Julia Snegur
Responsable Développement et Communication
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