Exemple de résilience face à l’isolement, au froid et à la vindicte anglaise, Saint-Pierre-et-Miquelon est une utopie française en terre boréale. Le territoire vise un classement de son patrimoine par l’UNESCO d’ici cinq à dix ans.
Dernier vestige de la Nouvelle-France perdue lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763), Saint-Pierre-et-Miquelon occupe une position stratégique, à proximité immédiate de l’Île de Terre-Neuve et des provinces maritimes du Canada. L’archipel contrôle ainsi l’accès au golfe du Saint-Laurent. Il est composé de deux îles principales. La plus petite, Saint-Pierre, abrite l’essentiel de la population. Miquelon est constituée de deux presqu’îles, Grande Miquelon et Langlade, reliées entre elles par un isthme de sable.
Elles offrent des paysages variés, entre mer et lagunes, landes et forêt boréale (la seule de France), sable et rochers. La biodiversité est à l’avenant avec des phoques, dauphins, baleines, rorquals et plus de 300 espèces d’oiseaux. Si les 6 000 Saint-pierre-et-miquelonais vivent à la même latitude que les Nantais, ils connaissent des hivers nettement plus rigoureux.
Les premières installations permanentes de pêcheurs normands, basques et bretons remontent à 1604. Cela fait de Saint-Pierre-et-Miquelon la plus ancienne colonie française. Et la seule sans colonisé ! Le plus petit territoire d’outre-mer est aussi le plus tourné vers celle-ci, qui décide de l’avitaillement et des campagnes de pêche. « Protéine du pauvre », la morue fut un phénomène civilisationnel. Et l’archipel un véritable « carrefour des nations », hub mondial pendant quatre siècles. Le doris est l’un des symboles de cette époque. L’embarcation en bois d’origine américaine, à fond plat, d’une longueur hors-tout de 5 à 6 mètres, présente là-bas quelques particularités.
Et les centaines d’épaves maritimes font aujourd’hui le bonheur des plongeurs, après celui des îliens qui exercèrent leur droit d’aubaine jusqu’en 1971.
Trouvera-t-on un jour dans ces eaux froides la carcasse de L’Oiseau blanc, l’avion biplan de Nungesser et Coli ? Ils disparurent en mai 1927 en tentant la première traversée aérienne de l’Atlantique. Les années 20 laissèrent leur empreinte dans la mémoire collective à un autre titre. En 1919, la fabrication, la vente et l’importation d’alcool furent interdites aux Etats-Unis puis au Canada. Prohibition ! Saint-Pierre-et-Miquelon devint alors la plaque tournante de l’alcool en Amérique. Doris propulsés par des moteurs d’avion, maisons bâties avec des caisses de scotch… la lucrative « époque du whisky » dura plus d’une décennie.
Plus tard, de 1941 à 1944, l’archipel fut l’une des vigies de la France Libre.
Attardons-nous sur deux sites exceptionnels. L’Île aux Marins est une bande de terre à dix minutes en zodiac de Saint-Pierre. Si elle n’est plus habitée de façon permanente depuis les années 60, elle compte encore une trentaine de maisons en bois, sans eau courante ni électricité. D’une beauté « époustouflante… indescriptible, au-delà des mots » selon l’écrivain Yann Queffélec, l’île aux Marins est animée aux beaux jours de parties de pêche au homard, barbecues, danses acadiennes et colonies de vacances.
Convivialité et douceur de vivre ne sont pas de vains mots sur ces îles où tout le monde se connaît. La vie culturelle est aussi intense au regard du nombre d’habitants. Les livres et CD sortis chaque année en témoigne. D’un grand intérêt historique, le site de l’Anse à Henry se trouve lui à l’extrémité nord de l’île de Saint-Pierre. Il est sans équivalent en France et en Amérique du Nord pour son occupation temporaire par quatre groupes culturels distincts, sur une période de près de 5 000 ans. Les Amérindiens et Paléoesquimaux y venaient à la belle saison pêcher et chasser la baleine. En face, l’île du Grand Colombier abrite d’importantes colonies d’oiseaux.
L’archipel mérite donc à lui-seul le déplacement pour les amateurs d’observation animalière et de paysages nordiques.
Saint-Pierre-et-Miquelon peut aussi être vu comme une extension à notre circuit canadien Sur les routes du Nouveau-Brunswick. Cet été notamment, quand la province maritime fêtera le Congrès Mondial Acadien…
Photos : Saint-Pierre Tourisme – Inspiration : Musée du Quai Branly – Jacques Chirac
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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