La Tchoukotka est un district autonome russe de 737 700 km2, bordé par la mer de Béring, les océans Pacifique et Arctique, face à l’Alaska que l’on voit du cap Dejnev par beau temps. Presque la moitié du territoire est située au-dessus du cercle polaire, de part et d’autre du 180e méridien, la ligne de changement de date. La Tchoukotka offre une grande variété de paysages, avec une dominante de montagnes – son point culminant est à 1 800 m – et de toundras, vastes étendues sans arbre ni arbuste. Wrangel est son île la plus connue.
A la croisée des influences continentale, arctique et pacifique, la météo change en permanence au gré de forts vents ; les températures varient selon les lieux et saisons de +34°C à -60°C ! L’été débute quand la température dépasse 10°C, vers le 20 juin. La foudre peut alors occasionner de grands incendies. Il s’achève fin septembre. Un pré-hiver le relaie jusqu’à début décembre, l’hiver laissant place à un pré-printemps… Si le réchauffement climatique est sensible, il n’a pas d’influence pour l’instant sur le mode de vie de la population.
Avant la chute de l’URSS, la Tchoukotka comptait 150 000 habitants. Il n’y en a plus aujourd’hui qu’environ 50 000, dont 15 000 pour la capitale Anadyr, située à l’embouchure du fleuve éponyme, d’une longueur de 1 500 km. La nature reprend ses droits. Cela s’explique par la profonde désorganisation de toute l’économie durant les années 90. Le rétablissement des voies d’approvisionnement, la construction de nouveaux logements et équipements par le milliardaire Roman Abramovitch, gouverneur de 2001 à 2008, vaut toujours à celui-ci une grande popularité ! En été, dans cet immense territoire sans route, si ce n’est des pistes militaires tracées pendant la Guerre Froide, le bateau complète utilement l’avion et l’hélicoptère. En hiver, la motoneige a largement supplanté le traineau à chiens ou rennes.
Sur la côte Est, riche en sources chaudes, se développa pendant des millénaires une culture Inuit originale, quasi-disparue aujourd’hui. Une quinzaine de personnes âgées en rappellent encore le souvenir. Les Tchouktches sont environ 13 000. Ils perpétuent la très dangereuse chasse aux mammifères marins, dans la limite de quotas. Celle à la baleine se pratique encore au harpon, relié à un flotteur pour empêcher la bête de se réfugier dans les profondeurs. Mais les bateaux à moteur ont remplacé les barques légères en peau de morse, qui ne sont plus utilisées que pour les compétitions. Avant sa consommation, la viande de morse est traditionnellement empaquetée dans la peau de l’animal puis enterrée plusieurs mois. Il faut connaître les pièges de la banquise pour chasser le phoque en hiver. A partir de la mi-mai, la collecte des œufs d’oiseaux sur les reliefs escarpés n’est pas non plus sans danger. On y pêche beaucoup en juin-juillet, les œufs de saumon étant particulièrement recherchés. L’ours blanc est protégé depuis 1957.
Le cheptel de rennes compte environ 160 000 têtes. L’animal reste semi-sauvage, protégé par moins de 1 000 éleveurs nomades organisés en brigades. Si l’on trouve toujours des loups à proximité, le vrai cauchemar des éleveurs est le renne authentiquement sauvage, parfois plus robuste et capable d’emmener à sa suite une partie du troupeau !
Les enfants des éleveurs de rennes quittent la brigade pour l’internat à l’âge de 6-7 ans. Les femmes, à qui le mode de vie traditionnel assignait les taches les plus pénibles – monter la iaranga (tente), cueillir les champignons … –, furent particulièrement sensibles à ce qu’offraient les « villages civilisés » fondés par le régime soviétique. Notamment l’électricité et l’école. Héritage de cette époque, chaque village a encore son musée, sa bibliothèque et ses clubs sportifs. Mais, contrepartie non négligeable, les chamans furent décimés dans les années 30 au nom de l’idéologie.
Autre région de Tchoukotka, la Koriakie compte quatre villages, d’innombrable lacs de montagne, une toundra magnifique en automne et des fossiles de dinosaures. Les paysages de type sibérien de la Kolyma sont explorés par les chercheurs d’or. L’aéroport et plusieurs routes furent d’ailleurs construits par une compagnie minière canadienne… Le sous-sol est aussi riche en charbon et potentiellement en gaz et pétrole.
L’artisanat local est connu pour ses fines sculptures sur os et ivoire.
La Tchoukotka reste peu connue des Français, notamment dans ses premières années post-soviétiques. Le professeur de russe Charles Weinstein y voyagea dès 1993 pour étudier la culture tchouktche. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la morphologie et la traduction de cette langue, ainsi que sur les mythes, contes, poésies, chants, récits et romans de Tchoukotka. Egalement co-auteur de manuels de langue tchouktche pour les publics français et russe, il achève avec des spécialistes locaux la rédaction d’un dictionnaire tchouktche-français-anglais-russe. Nous conseillons notamment la lecture de son essai Arctique extrême – Les Tchouktches du détroit de Béring (Autrement, 2000, 192 p.) et du roman Peaux de phoque de Veqet, traduit par Charles Weinstein (Autrement, 2004, 144 p.).
EN VIDEO : Tchoukotka Béringia
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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