Quoi de plus inspirant que de partir sur les traces des explorateurs polaires ? Le livre Découverte de l’Arctique – Chronologie Historique Illustrée (2022) nous fait découvrir toutes leurs expéditions dans l’hémisphère Nord, de 330 avant J-C (Pythéas) jusqu’à la moitié du XXème siècle, de la recherche du pôle Nord à celles des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est. Auteur de cet ouvrage hors norme, Jean-Pierre Cachard nous en explique la genèse et partage avec nous sa passion.
Mon épouse Catherine et moi-même étions plongeurs, adeptes des mers chaudes, du sable et du soleil, quand nous découvrîmes le Svalbard au salon du Tourisme en 2002. L’année suivante, lors de notre croisière dans l’archipel sur un petit bateau de 12 passagers, l’hôtesse du bord, Muriel, me donna le livre de Fridtjof Nansen relatant son épopée à bord du navire Fram et son périple avec Fredrik Hjalmar Johnansen vers le pôle Nord. Ce fut une révélation. J’ai ensuite enchaîné les lectures en prenant des notes et en me rapprochant d’autres passionnés de l’Arctique. Ils sont nombreux !
Après le Spitzberg en 2003, ce fut la Laponie finlandaise en 2005, à Inari précisément. De notre voyage au Nunavut en 2012, je me souviens particulièrement des tombes des membres de l’expédition Franklin à Beechey Island, de Pim Island où furent secourus les survivants de l’expédition Greely. 2014 fut une année faste avec la Norvège en hiver – d’Oslo à Bergen en train et les Lofoten – puis l’est du Groenland au départ de l’Islande, dont notamment le fjord de l’Empereur François-Joseph et le Scoresby Sund. Puis ce fut la Terre François-Joseph (en Russie cette fois !) en 2015, une croisière aller-retour entre Tromsø et le cap Nord en 2020, puis de nouveau l’est du Groenland en 2022, cette fois jusqu’à Nuuk et au départ du Svalbard.
Au regard de la documentation et des notes accumulées, il a fallu faire des choix ! Je me suis concentré sur les aspects humains de la découverte de l’Arctique. La première ébauche du livre date de 2009. J’ai travaillé sur l’iconographie au plus fort de la crise du Covid, obtenant de nombreuses photos en haute définition au prix d’importants droits d’auteurs. Le livre est paru fin novembre 2022.
J’ai été très marqué par celle de l’officier de la Royal Navy John Ross entre 1829 et 1833. Son financement par un mécène privé était exceptionnel à l’époque, tout comme le Victory, premier bateau à vapeur à s’aventurer dans l’Arctique. L’expédition resta surtout bloquée quatre hivers d’affilée ! Ses membres ne durent leur survie qu’aux contacts pris avec les Inuits, qui leur enseignèrent comment s’habiller, se nourrir… En août 1833, leur bateau toujours pris par la glace, ils se résolurent à tenter leur chance en chaloupe et furent finalement sauvés par un baleinier. Douze ans plus tard, l’expédition Franklin disparaissait corps et biens dans des circonstances non entièrement élucidées…
Il y a le traîneau, auquel les Européens s’attelèrent longtemps, avant de laisser place aux chiens sur le modèle Inuit ! Inventé par le britannique Peter Halkett, le canoë en caoutchouc fut utilisé par Rae dès 1846-1847. Il était alors individuel, chacun portant le sien. En 1897, le Suédois Salomon August Andree tenta d’atteindre le pôle Nord en ballon à hydrogène ; les corps de certains membres d’équipages furent retrouvées en 1930 sur l’île Blanche. En 1925, Amundsen échoua à atteindre le pôle Nord en hydravion. Mais il le survola en 1926 à bord du Norge, un dirigeable piloté par l’Italien Umberto Nobile, tous deux réalisant aussi la première liaison sans escale entre le Spitzberg et l’Alaska. Amundsen devait décéder deux ans plus tard en portant secours à Nobile. Si l’Australien Hubert Wilkins échoua en 1931 à atteindre le pôle Nord en sous-marin, il prouva tout de même qu’il était possible de naviguer sous la banquise. Il fallut attendre 1968 pour que l’Américain Ralph Plaisted atteigne le pôle Nord en motoneige. Pour y aller aujourd’hui, il n’y a pas mieux que les brise-glaces russes !
Citons d’abord James Clark Ross (1800 – 1862), qui ne passa pas moins de seize saisons dont neuf hivers à naviguer dans l’Arctique ! Il le découvrit en 1818 lors d’une expédition avec son oncle, John Ross. Son premier hivernage eut lieu en 1819-1820, sous les ordres de William Edward Parry, qui nomma cap James Ross l’un des promontoires de l’île Melville. En 1821-1823, il s’occupa d’arpentage et de naturalisme, capturant notamment le premier spécimen connu de la magnifique mouette rosée (Ross’s Gull). Il poursuivit l’année plus tard ses travaux scientifiques : taxidermie, épaisseur de la glace de mer, températures, observations magnétique et lunaires, longitudes… L’explorateur polaire avait à l’époque un grand nombre de casquettes ! Participant à l’expédition de son oncle citée plus haut, il situa en 1831 le pôle Nord magnétique. Il participa aussi à la première recherche de John Franklin en 1848.
Souvenons-nous aussi d’Albert 1er de Monaco (1848 – 1922), prince scientifique, explorateur et humaniste. Ses quatre campagnes au Svalbard contribuèrent grandement à la cartographie précise de l’archipel, dont un glacier porte le nom de Monaco, dans la baie du Roi au Spitzberg. A Monaco justement, Albert 1er fonda l’Institut de droit international pour la Paix et l’institut océanographique. Et à Paris, l’Institut de paléontologie humaine, premier centre dédié à l’étude de la préhistoire ! La Prince prit également la défense du capitaine Dreyfus.
En effet. Commençons par Jane Griffin (1791 – 1875) qui en est une figure éminente sans jamais avoir vu la banquise ! C’est que l’épouse de John Franklin mit tout en œuvre pour retrouver l’explorateur, jusqu’à armer et financer elle-même plusieurs expéditions qui contribuèrent grandement à la découverte de l’Arctique. Première femme admise à la Royal Geographical Society, Lady Franklin a une île et un cap à son nom.
En 1839, Léonie d’Aunet (1820 – 1879) fut la première française à franchir le cercle polaire arctique. Elle raconta ses aventures dans Voyage d’une femme au Spitzberg (1854), livre qualifié par Gustave Flaubert de « […] doux, vif, vrai, charmant et comme le reflet exquis d’elle-même ». Autant de qualités qui ne laissèrent pas Victor Hugo indifférent…
Joséphine Peary-Diebitsch (1863 – 1955), épouse de Robert Edward Peary, fut en 1891 la première femme à participer à une exploration de l’Arctique. Deux ans plus tard, elle donna naissance à la latitude de 77° 40’ N à une fille surnommée Snow Baby par les Inuits. En 1900, elle repartit avec elle au Groenland après avoir reçu un message l’informant que son mari avait les orteils gelés et devait être amputé.
Autre Américaine, la richissime héritière Louise Boyd (1887 – 1972) commença par affréter un navire en 1926 pour chasser l’ours polaire en Terre François-Joseph. Puis en 1928, elle dirigea et finança une seconde expédition pour rechercher le Norvégien Roald Amundsen récemment disparu, ce qui lui valut la Croix de Chevalier de l’Ordre de Saint Olav. A l’âge de 68 ans, elle fut la première femme à survoler le pôle Nord à bord d’un DC4.
Rappelons que l’expédition de John Ross resta bloquée quatre hivers en 1829-1833. Ce ne serait plus le cas aujourd’hui. Il n’y a plus de banquise au nord du Spitzberg, soit au-delà du 80ème parallèle. S’intéressant très tôt à la concentration du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, le glaciologue Thomas Chrowder Chamberlin publia en 1899 un article citant Svante August Arrhenius. Ce chimiste suédois, prix Nobel en 1903, suggérait déjà qu’une augmentation du taux de CO2 provoquerait une plus grande absorption de l’énergie solaire et donc une augmentation des températures. Arrhenius se félicitait à l’époque de la fin du petit âge glaciaire… En 1939, le géographe Suédois Hans Jakob Konrad W Ahlmann conclut que l’Arctique se réchauffait depuis un siècle et d’une manière importante depuis vingt ans. Les glaces au nord du Spitzberg avaient déjà reculé et la côte nord sibérienne, quasiment inaccessible un siècle plus tôt, fut libre durant un mois en 1940. L’exploration polaire nous en apprend donc beaucoup sur le changement climatique, et depuis longtemps !
Découverte de l’Arctique Chronologie Historique Illustrée
Format 24,4 x 24,4 cm – 320 pages – Editions Abbate-Piolé – Prix : 62,00 € – ISBN : 978-2-917-50043-9
Biographie des Découvreurs de l’Arctique
Format 24,4 x 24,4 cm – 140 pages – Editions Abbate-Piolé – Prix : 18,00 € – ISBN : 978-2-917-5004
TERRES OUBLIEES DU GROENLAND
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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